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SIEG DE LOGEMENT SOCIAL
Contentieux néerlandais : arrêt CJUE
La Cour a rendu ce jour un arrêt sur la possibilité pour les bailleurs sociaux néerlandais d’introduire un recours contre la décision de la Commission européenne qui autorise les modifications de leur régime d’aides d’état applicable, et qui a pour conséquence de restreindre la notion de logement social au Pays Bas. Les bailleurs étant reconnus comme pouvant exercer ce recours, l’affaire est renvoyée devant le tribunal pour être jugée sur le fond.
Les juges communautaires vont donc devoir se prononcer sur la question de la définition du logement social et de la vision qu’en impose la Commission.
Le "cas néerlandais", comme il est communément appelé aujourd’hui, connait une nouvelle étape décisive pour les bailleurs sociaux hollandais et l’ensemble des bailleurs sociaux européens impactés.
La Cour de justice vient en effet d’annuler la décision du Tribunal de Première Instance en reconnaissant aux organismes de logement social leur intérêt à agir contre la décision de la Commission relative à la définition du SIEG de logement social (affaires E 2/2005 et N 642/2009).
La Cour de justice se donne ainsi les moyens de juger, sur le fond, la question hautement sensible politiquement de l’erreur manifeste d’appréciation de la qualification de SIEG de services sociaux d’intérêt général.
La pratique décisionnelle constante de la Commission en la matière établit en effet un lien direct entre le caractère social d’un service public et son accessibilité aux seules personnes défavorisées.
L’application de cette pratique décisionnelle de l’autorité européenne de concurrence au logement social a conduit à déstabiliser en profondeur le modèle économique du logement social aux Pays-Bas.
Plus grave, elle a donné un signal clair et ouvert une brèche pour les opérateurs privés, par la constestation systématique des régimes d’aide au logement social au Luxembourg, Belgique, Suède et dernièrement en France par les deux plaintes de l’UNPI (Union nationale de la Propriété Immobilière).
C’est une première victoire du droit sur l’arbitraire d’une vision exclusivement résiduelle des services sociaux portée par la Commission en qualité d’autorité de concurrence.
L’Union sociale pour l’habitat et Housing Europe, fédération européenne du logement social, soutiendront les organismes de logement social néerlandais dans leur nouvelle action auprès du Tribunal de première instance pour contester le bien fondé de cette pratique décisionnelle de la Commission en matière de missions d’intérêt général imparties aux organismes de logement social par les Etats-Membres.
Rappel du "Dutch case"
En 2002, le gouvernement néerlandais notifie son régime d’aides d’état applicable aux entreprises de logement social pour être en conformité avec le droit communautaire.
A cette occasion, la Commission européenne remet en cause le périmètre d’intervention des bailleurs sociaux et impose sa définition du logement social en tant que service d’intérêt général : "parce que le service est social, il doit être défini en lien direct avec les personnes défavorisées".
Face à cette remise en cause de leur modèle social, les Pays Bas, où le secteur du logement social est ouvert à tous et représente un stock important de logements locatifs, retire sa notification.
La Commission, renforcée dans son action par le dépôt d’une plainte d’opérateurs privés, instruit ce dossier et sollicite lors de ses négociations avec les Pays Bas, une réforme du système d’aides accordées aux bailleurs sociaux. Cela conduit à la mise en place de critères d’accès selon les ressources et à une redéfinition du périmètre "social" d’action des entreprises concernées.
Cette décision, qui est loin de faire l’unanimité dans ce pays, et qui a même conduit à l’introduction d’un Protocole spécifique dans le Traité de Lisbonne (protocole 26 TFUE), a obligé les bailleurs sociaux à introduire un recours contre cette décision de la Commission validant la réforme nationale.
Si le Tribunal de Première Instance a rejeté l’intervention des bailleurs, au motif de leur absence d’intérêt à agir, la Cour se prononce aujourd’hui sur un pourvoi de leur part.
Il faut d’ailleurs noter, que les conclusions de l’avocat général sanctionnent le Tribunal et demandent le renvoi devant celui ci pour statuer sur le fond de l’affaire.
La cour a déclaré le pourvoi recevable et les entreprises de logement social sont fondées à remettre en cause la décision de la Commission.
Le juge européen va donc être amené à se prononcer enfin sur la question du pouvoir de la Commission européenne sur la définition du service d’intérêt général.
L’Union sociale pour l’Habitat, qui avait soutenu ses homologue néerlandais en première instance en se constituant partie prenante, salue cette décision de la Cour qui permettra enfin de clarifier la notion de "social" pour le logement en droit communautaire et pour l’ensemble des services sociaux.
Dans l’attente d’un arrêt sur le fond, cette décision est l’occasion de revenir sur l’ensemble de ce contentieux, sur les conditions d’application des règles des aides d’état au logement social et aux services d’intérêt général et sur les autres contentieux existants en la matière.
SIEG de logement social : Le dossier
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