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Missions et obligations
Dans tous les Etats membres, des missions spécifiques sont assignées au logement social et à leurs opérateurs dédiés.
Si les modalités de définition diffèrent d’un Etat membre à l’autre, allant de l’acte législatif en droit interne à la convention, au contrat, cahier des charges ou délibération du conseil d’administration sous contrôle de l’autorité publique de rattachement, leur formulation relève de la compétence exclusive des autorités publiques au niveau national ou fédéral, régional ou local.
En effet, il revient à l’autorité publique de définir le contenu de la mission spécifique et de charger les opérateurs mandatés de son accomplissement. C’est le cas dans l’ensemble des Etats membres même si le degré de précision dans la définition de la mission varie d’un Etat à l’autre, ainsi que les marges d’appréciation et d’initiative laissées aux opérateurs dédiés.
Les missions particulières confiées au logement social par les Etats membres sont relativement homogènes et peuvent se résumer à la satisfaction des besoins en logement des ménages par l’accès et le maintien dans un logement décent et accessible financièrement.
Cette mission spécifique se décline par une activité de construction de logements locatifs ou en accession à la propriété visant à accroître le niveau général de l’offre sur le marché et plus spécifiquement le niveau de l’offre de logements accessibles.
Cette mission principale peut être complétée par des missions complémentaires visant à intégrer socialement les ménages par l’emploi, la santé, la formation, à promouvoir la diversité dans l’habitat ainsi que la mixité sociale, ou à contribuer à une régulation publique globale du marché du logement.
Ces missions sont bien entendu très largement orientées vers les ménages qui en ont besoin en raison de leur difficulté à accéder à un logement aux conditions prévalant sur le marché : personnes défavorisées, groupes sociaux vulnérables tels les jeunes, les personnes âgées, les personnes handicapées ou immigrées victimes de discrimination, ou plus globalement les ménages à faibles ressources.
Conformément aux différentes conceptions du logement social pouvant exister au sein de l’Union européenne, ce ciblage pourra être soit exclusif soit une composante d’une action plus large en direction de l’ensemble des ménages.
Des variantes peuvent ainsi exister entre Etats membres quant au degré de ciblage de certaines catégories de ménages jugées prioritaires et quant au degré de spécialisation sociale des bénéficiaires. Mais globalement, les missions communes du logement social sont définies en lien direct avec la satisfaction de la demande sociale de logements.
Au sein d’un Etat membre, les missions du logement social peuvent également fluctuer selon la nature de l’opérateur.
Ainsi, au Royaume-Uni et en Irlande, alors que le parc locatif public des communes disposait traditionnellement d’une fonction généraliste, les Housing Associations, bailleurs sociaux associatifs agréés, ont toujours disposé d’une approche beaucoup plus sociale de leur mission, notamment de spécialisation sur les personnes dans le besoin, les minorités sociales, ethniques ou communautaires. Compte tenu de leur essor et de leur professionnalisation, cette mission spécifique tend aujourd’hui à se diversifier alors que celle du parc locatif public géré par les Communes tend au contraire à se spécialiser du fait de la vente massive des logements aux locataires les plus fortunés et du développement des problèmes sociaux à gérer au niveau local.
Ainsi, des formes de spécialisation et de complémentarité peuvent exister au sein d’un même Etat membre ainsi que des dynamiques d’évolution de ces missions.
De ces missions assignées au logement social dans les 27 Etats membres, nous pouvons retenir quelques éléments de convergence :
• quant à l’existence même d’une mission spécifique en référence à un objectif d’intérêt général ;
• quant à la mission principale visant à accroître l’offre de logements, laquelle s’exprime dans les Etats membres par la définition d’une mission de fourniture, de construction, d’acquisition, d’entretien, d’offre de logements, de loger ou encore d’assurer un logement,
• quant au ciblage sur la demande sociale exprimée dans les Etats membres par les notions de personnes en difficulté sur le marché, de personnes dont les revenus sont inférieurs à un plafond, de personnes dans le besoin, de personnes défavorisées ou appartenant à des groupes sociaux, ou encore de familles à revenus moyens ou de classes moyennes.
Nous sommes donc bien en présence d’un service d’intérêt général défini en référence à une mission particulière qui se décline par un acte de fourniture de logements en direction d’une demande sociale définie plus ou moins largement.
Il convient toutefois de mentionner l’existence de missions d’intérêt général plus larges confiées au logement social, telle en France la mixité sociale et la diversité de l’habitat mais également des missions plus générales visant à assurer une régulation des prix des loyers dans le parc privé en référence à celui du parc public comme en Suède.
Ces missions d’intérêt général se traduisent par des obligations de service public spécifiques selon l’expression communautaire, lesquelles s’imposent aux opérateurs de logement social afin de garantir le bon accomplissement de ces missions.
Les obligations de service public En droit communautaire, la notion d’obligation de service public est définie de la façon suivante :
il s’agit d’une exigence ou d’un ensemble d’exigences définies par une autorité compétente et déterminée dans le cadre d’un acte officiel qui s’impose au prestataire mandaté, garantissant ainsi l’accomplissement de la mission particulière d’intérêt général.
En matière de logement social, ces obligations de service public, dérogatoires au droit commun, peuvent concerner à la fois les caractéristiques des services offerts, notamment les conditions de fourniture et d’occupation des logements (obligations matérielles), mais également les conditions de fonctionnement des entreprises de logement social qui en sont chargées (obligations organiques).
En matière de conditions de fourniture et d’occupation des logements sociaux, nous avons constaté quatre types d’obligation matérielle de service public dans les Etats membres :
1. les obligations liées aux conditions d’occupation des logements et de sélection de la demande éligible,
2. les obligations de nature tarifaire quant à l’accessibilité financière des logements en termes de loyer ou de prix de vente ;
3. les obligations liées à la sécurité d’occupation des logements en tant que locataire ou accédant à la propriété,
4. les obligations liées à la participation et à l’implication des ménages bénéficiaires
Ces obligations de service public peuvent être cumulatives ou se concentrer sur un aspect principal comme la politique tarifaire et l’accessibilité financière, la politique d’attribution et de sélection des bénéficiaires ou encore la participation des ménages et les services spécifiques à leur fournir.
Ces obligations de service public varient également en fonction du statut d’occupation du logement social.
Enfin, ces obligations de service public sont illimitées dans le temps pour une très large majorité d’Etats membres de façon à respecter le principe de continuité du service d’intérêt général du logement social qui s’applique ici aux conditions effectives d’occupation du logement.
Il convient cependant de noter la pratique d’obligations de service public limitées dans le temps, notamment en Allemagne et en République tchèque, dans le cadre d’un conventionnement temporaire des logements sociaux au terme duquel les obligations de service public cessent et les conditions d’occupation du logement pour le bénéficiaire retombent dans le droit commun du secteur privé.
En matière de conditions de fonctionnement des entreprises de logement social chargées de la gestion du service d’intérêt général du logement social, nous avons également identifié certaines obligations organiques de service public tenant aux modalités de fourniture de la prestation, notamment :
1. obligations tenant à la finalité non lucrative de la prestation et au réinvestissement dans le développement du service d’intérêt général du logement social des éventuels bénéfices ;
2. obligations tenant à la nature exclusive de l’activité de logement social et l’interdiction de développer des activités d’autres natures, y compris en matière de logement ;
3. obligations tenant au périmètre géographique de la prestation strictement délimité au niveau local, régional ou national, interdisant de droit une prestation à l’échelle de la Communauté européenne ;
4. obligations de nature statutaire en termes de composition du capital social, de représentation des autorités publiques compétentes et/ou des ménages bénéficiaires dans le Conseil d’administration ou de gouvernance interne à l’exemple des coopératives sociales de logement en général.
Ces obligations spécifiques de nature organique sont directement liées à l’accomplissement de la mission d’intérêt général du logement social et sont imposées par les autorités publiques dans le cadre du mandatement des entreprises de logement social et de leur agrémentation préalable.
Elles ont pour objectif de garantir a priori le bon accomplissement des missions d’intérêt général du logement social et la continuité effective du service sur longue période par l’imposition d’obligations matérielles de service public illimitées dans le temps mais territorialement circonscrites.
Bien entendu, la nature de ces obligations diffère d’un Etat membre à l’autre et ces entreprises dédiées peuvent coexister avec des prestataires à but lucratif non exclusivement dédiés au logement social et disposant d’obligations de service public limitées dans le temps et de nature contractuelle à l’exemple de l’Allemagne.
Ce mode spécifique de régulation des entreprises de logement social sera développé dans le prochain chapitre consacré à la gouvernance du logement social dans l’Union européenne.