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Régulation
La notion de régulation du logement social est assez récente et inégalement présente dans les Etats-membres.
Traditionnellement, cette notion de régulation a été absente du secteur du logement social. En effet, les liens très étroits, voire organiques, entre l’autorité publique compétente et l’entreprise de logement social mandatée ont contribué à internaliser cette régulation et à la réduire à une relation de dépendance de l’entreprise mandatée à l’autorité publique, dépendance organique, tutélaire et financière, et à un simple contrôle interne de légalité.
Les fonctions de définition du service d’intérêt général du logement social et de régulation étaient ainsi concentrées au sein de l’autorité publique compétente, et continuent de l’être dans un grand nombre d’Etats-membres.
L’émergence d’un troisième acteur dans le processus de mise en œuvre du service d’intérêt général du logement social, en l’occurrence le ménage bénéficiaire, la montée en puissance des exigences de qualité du service rendu et de son évaluation, la nécessité d’impliquer les ménages bénéficiaires dans le processus d’amélioration du service rendu, mais surtout le développement dans certains Etats-membres d’entreprises de logement social organiquement, voir financièrement, indépendantes des autorités publique mandatrices, ont contribué à faire émerger ce concept de régulation du logement social.
Le Royaume-Uni et les Pays-Bas illustrent parfaitement cette montée en puissance de la question de la régulation du logement social face à un développement rapide du logement social par des entreprises de logement social indépendantes et une très forte représentativité de ce secteur dans les marchés du logement.
Un concept communautaire qui s’est développé avec la libéralisation des services d’intérêt général de réseau L’approfondissement des réflexions communautaires autour des services d’intérêt général a également contribué à expliciter la notion de régulation et à en préciser le contenu.
Au-delà de la mise en place de régulateurs communautaires ou nationaux dans les services d’intérêt général de réseau libéralisés, le principe d’une régulation des services d’intérêt général tant à se généraliser en lien avec la montée en puissance de l’approche consumériste des services d’intérêt général.
Ainsi, dans son projet de communication sur les services d’intérêt général annoncé pour l’automne 2007 , la Commission européenne érige en tant que principes communs à l’ensemble des services d’intérêt général, et par conséquent au logement social, l’existence d’un régulateur indépendant qui soit à même de garantir les droits des ménages bénéficiaires, d’imposer des sanctions, de procéder à des évaluations et de garantir la participation effective des ménages bénéficiaires dans la définition et l’évaluation du service d’intérêt général, de sa juste compensation, de s’assurer de l’existence et du respect de clauses d’évolutivité du service d’intérêt général permettant de s’adapter à l’évolution des besoins et de la demande de service d’intérêt général.
Le régulateur assure également une fonction d’analyse du secteur et d’évaluation de ses effets sur le marché concerné.
La régulation du logement social au Royaume-Uni : contenu et évolutions récentes Cette approche de la régulation du logement social par un régulateur indépendant distinct organiquement de l’autorité publique compétente a été introduite au Royaume-Uni au niveau régional.
En effet, l’Angleterre, l’Ecosse, le Pays de Galle et l’Irlande du Nord disposent d’un régulateur du logement social qui assure à la fois la régulation des bailleurs sociaux agréés et le financement des programmes de logements sociaux.
Cette régulation consiste à la fois à agréer les bailleurs sociaux, à assurer une évaluation en continue de leur performance et de leur capacité à mettre en œuvre leurs contrats d’objectifs, et à garantir l’effectivité des systèmes de recours en direction des ménages bénéficiaires.
La question de la régulation du logement social fait l’objet récemment d’importants débats en vue d’en améliorer le fonctionnement et l’efficacité.
Ainsi, en décembre 2006, le gouvernement a-t-il commandé un rapport sur la régulation du logement social avec pour objectifs de renforcer la place des ménages bénéficiaires dans le processus et de mieux répondre à leurs besoins, d’assouplir les contraintes administratives qui pèsent sur les bailleurs sociaux agréés et de s’inscrire pleinement dans les priorités politiques présentes et futures du gouvernement en matière de logement social et de communautés durables.
Le rapport Cave, du nom du professeur à l’Université de Warwick a qui le rapport a été confié, a fait l’objet d’une large consultation publique auprès de l’ensemble des parties prenantes.
Le Gouvernement a également annoncé la création d’une nouvelle agence gouvernementale « Communities England » par le regroupement de trois agences existantes, l’agence pour le logement accessible, la Housing Corporation - agence de régulation des bailleurs sociaux - et une troisième agence relative à la régénération urbaine.
Cette nouvelle agence vise à mieux intégrer les questions relatives aux logements accessibles, au logement social et aux processus plus globaux de régénération urbaine et de développement de communautés durables.
En Angleterre, le régulateur historique du logement social, la Housing Corporation, est une agence gouvernementale qui joue un rôle central dans la mise en œuvre effective de la politique du logement social et du suivi des 2000 bailleurs sociaux agréés gérant plus de 2,2 millions de logements sociaux.
La régulation du logement social communal géré en régie par les Communes, soit 2 millions de logements sociaux communaux, s’opère quant à elle sur un mode classique d’Inspection du logement. Si les petites associations de logement de moins de 250 logements ne sont pas tenues d’être agréées, l’accès aux financements publics pour la construction ou la réhabilitation du logement social est conditionné à l’enregistrement auprès de la Housing Corporation.
La plupart des bailleurs sociaux agréés sont des associations de logement, mais également des association charitables, des fondations, des coopératives et des sociétés locales de logement créées à l’occasion du transfert du parc communal géré en régie par les Communes. La plupart des bailleurs sociaux agréés sont composées de petites associations de logement de moins de 250 logements sociaux.
Mais un processus continu de concentration des associations a conduit à ce que les 240 plus grandes associations gèrent à elles seules plus d’un million de logements sociaux et concentrent ainsi les risques financiers et budgétaires.
La banalisation du financement du logement social intervenu en 1988 a conduit la Housing Corporation a renforcé son audit sur la viabilité financière du secteur, ce qui a permis de sécuriser les banques et de réduire les coûts d’emprunt de 0,5 points d’intérêt. En cas de difficultés financières, la Housing Corporation dispose de la capacité de contraindre un bailleur social à fusionner avec une autre Housing association. Elle assure également une évaluation permanente de la performance des bailleurs sociaux et des conditions d’optimisation des fonds publics alloués et de réalisation des contrats d’objectif.
Elle dispose également de la capacité à imposer des sanctions aux bailleurs sociaux par la réduction voire le gel des aides publiques mais également de recomposer le Conseil d’administration si nécessaire.
La banalisation du financement du logement social, la diversification des activités des bailleurs sociaux, notamment en direction des étudiants, des formules de propriété progressive alliant statut locatif et statut d’accession à la propriété, la réforme progressive de la politique des loyers, ont contribué à renforcer le rôle de régulation en direction des grands bailleurs sociaux par le développement d’équipes de régulateurs très qualifiés.
Ce mode de régulation, qui se traduit par un formalisme et le respect d’un grand nombre de procédures écrites très précises, est souvent critiqué par les bailleurs sociaux en raison de son manque de souplesse et de sa lourdeur bureaucratique.
Mais l’encadrement et la sécurisation du secteur en termes de viabilité économique et d’optimisation des fonds publics sont reconnus par les bailleurs sociaux comme une nécessité face à la diversification des services en direction des communautés et au rôle croissant qu’ils vont jouer dans l’avenir compte tenu de la poursuite du processus de transfert du parc locatif communal vers les bailleurs sociaux agréés.
La fusion des trois agences de régulation par la constitution de « Communities England » traduit cette adaptation du mode de régulation dans le sens d’une moindre bureaucratie mais d’une optimisation de l’usage des fonds publics et des investissements en matière de logement accessible, de logement social et de régénération urbain au profit du développement de communauté durables en Angleterre et de la participation des ménages bénéficiaires.
Une régulation du logement social prise en main par la profession : le cas des Pays-Bas
La régulation du logement social en Angleterre est ainsi très étroitement liée à l’affectation des fonds publics et à la viabilité financière d’un secteur en mutation, en voie de concentration et de diversification des missions d’intérêt général.
La question de la régulation aux Pays-Bas est de toute autre nature. Assurée traditionnellement par une Inspection du logement comme pour les communes anglaises, la régulation du logement social se pose aujourd’hui dans un tout autre contexte caractérisé par un secteur fortement concentré - le nombre de Corporations de logement a été divisé par deux en moins de 15 ans, soit près de 500 corporations aujourd’hui gérant 2,4 millions de logements sociaux - un secteur sécurisé financièrement au moyen de fonds de solidarité (CFV) et de garantie (WSW) organisés par la profession et surtout un secteur financièrement indépendant des autorités publiques depuis l’opération de « Brutering », disposant de ressources financières à taux privilégiés sur le marché et d’un niveau élevé de fonds propres. Ainsi, au-delà des dispositions cadres de la loi sur le logement de 1901 et du décret sur la gestion du logement social (BBSH) introduit en 1993 et fréquemment amendé, la régulation du logement social repose essentiellement sur le secteur professionnel.
Elle s’exerce essentiellement en termes de monitoring des Corporations et de sécurisation de leur viabilité économique par les dispositifs d’audit mis en place par la profession dans le cadre des fonds de garantie du logement social (WSW) et du fond central du logement ( CFV).
L’engagement des Corporations de logement en terme d’accomplissement des missions d’intérêt général dont elles sont chargées par le décret sur la gestion des logements sociaux et par la loi sur le logement de 1901 s’est formalisé récemment par l’adoption d’un code de conduite de la profession (AEDES code) et d’un code de bonne gouvernance des Corporations de logement qui renforce le rôle des organes de surveillance et de contrôle et met en place une commission indépendante de gestion des recours et litiges éventuels.
Par ailleurs, la Fédération des corporations de logement, a également adopté début 2007 un document d’engagement politique intitulé « Réponse à la société des Corporations de logement membres de l’AEDES » qui décline le sens de l’engagement d’intérêt général des Corporations de logement en cinq grands chantiers censés répondre aux besoins de la société néerlandaise.
Cette démarche d’engagement volontaire s’inscrit dans un contexte d’incertitude pour le secteur. Le contentieux engagé entre la Commission européenne et le gouvernement hollandais sur le périmètre de définition du service d’intérêt général du logement social, l’exigence formulée par la Commission européenne de privatiser une partie des logements sociaux des Corporations de logement au motif d’une soit disante « surcapacité de l’offre de logements sociaux aux Pays-Bas » ainsi que la volonté du gouvernement de taxer lourdement les Corporations de logement de façon à capter leurs fonds propres et à les affecter à d’autres emplois d’intérêt général sont autant d’incertitudes qui ont poussé la profession à l’action et à la proactivité dans un processus de « grand changement ».
L’autorégulation professionnelle et le « grand changement » dans le logement social L’opération de « Brutering » qui a conduit à l’autonomie financière du secteur et la décentralisation de la politique du logement ont rendu nécessaire la définition d’une nouvelle régulation du logement social appelé « Grand changement ».
Ce grand changement est structuré autour de trois grands thèmes :
La libéralisation des loyers par la réforme de la politique tarifaire basée sur un système de fixation des loyers par « points/qualité » et d’encadrement de l’évolution annuelle des loyers. Cette réforme vise à établir une politique tarifaire fondée sur la qualité effective du service rendu appréhendée globalement (logement, services, environnement) et sur le niveau d’exigence et d’accessibilité effective des logements pour les ménages bénéficiaires ;
L’autorégulation du secteur par la suppression de la régulation administrative et le contrôle de légalité par l’Etat et l’Inspection du logement au profit de la mise en place d’une autorégulation professionnelle fondée sur la gouvernance des Corporations et la réalisation effective des contrats d’objectifs locaux ;
Les conditions d’investissement des Corporations et leur périmètre d’intervention en fonction d’objectifs sociétaux en lien avec le logement, notamment par la clarification du périmètre du service d’intérêt général du logement social, la simplification de la bureaucratie (il faut en moyenne 7 ans pour mettre un logement neuf sur le marché), les conditions de la péréquation tarifaire, la fiscalité applicable au secteur et les conditions d’utilisation de la garantie publique accordée au fond de garantie du logement social (WSW).
Face à ce « grand changement », les Corporations de logement sous l’impulsion de leur fédération (AEDES) ont souhaité anticiper et être force de propositions tant en direction de leur gouvernement qu’en direction de la Commission européenne.
Leurs engagements concernent autant la question de la définition du périmètre du service d’intérêt général dont ils sont chargés que les conditions de la mise en place d’une autorégulation professionnelle. Ils se matérialisent par trois documents : Une « Réponse à la société » en 5 engagements sociétaux des Corporations, un code sectoriel (code de conduite professionnel) et un code de gouvernance des corporations (contrôle et surveillance).
La « Réponse à la société » est un engagement en 5 points consistant à :
garantir un toit pour tout le monde, y compris aux sans-abri ;
Investir dans 140 quartiers sensibles pour prévenir la situation des « banlieues », investissement sur les quartiers et les communautés dans l’ensemble des champs nécessaires et sur base d’une solidarité entre les Corporations par un système de péréquation et de financement solidaire entre Corporation, soit 1 milliard d’investissement par an ;
Garantir l’accessibilité du logement pour tous par un engagement de modération des loyers, de flexibilité et de pression en vue de la révision des aides fiscales très importantes à l’accession à la propriété,
Mettre en œuvre un programme d’économie d’énergie dans le parc de logements existants ;
Construire 40.000 nouveaux logements par an, soit 50% des besoins de construction jugés nécessaires dans les 4 prochaines années par le gouvernement.
Cet engagement sociétal vise en quelque sorte à auto définir le périmètre du service d’intérêt général du logement social dans le cadre du « grand changement » et à garantir une bonne affectation des fonds propres des Corporations par leur emploi volontaire au profit des quartiers et des communautés locales.
Cette démarche conduit également à forger le concept « d’entreprise sociale » fondé sur un engagement sociétal, un contrat d’objectif et des valeurs propres et non pas réduit à la simple exécution d’un service d’intérêt général défini unilatéralement par l’autorité publique compétente.
Quant au code sectoriel, il définit en 8 articles les objectifs des Corporations, leurs valeurs, leurs missions et leur engagement sociétal pour les« Neighbourhoods and communities ».
Le code de gouvernance établit quant à lui les règles de contrôle et de surveillance des corporations, les règles de transparence et de reporting des actions engagées incluant un système indépendant d’audit des Corporations quant à la réalisation du contrat d’objectifs, notamment sur le volet de la participation des locataires.
Ce code sera d’application en 2008 et précise que les collectivités locales ne peuvent être membres du Conseil de gestion et du Conseil de surveillance compte tenu du conflit d’intérêt potentiel que cela pourrait engendrer.
Cette disposition spécifique traduit bien la volonté d’établir un mode de gouvernance et de régulation fondé sur une séparation claire et transparence de l’autorité publique mandatrice et de l’entreprise de logement social mandatée. Des voies de recours et une instance indépendante seront mises en place afin de traiter les plaintes éventuelles et de proposer des sanctions. L’exclusion de l’AEDES et la perte du statut de Corporation sont prévues par le code.
Royaume-Uni et Pays-Bas : deux systèmes différents, une même logique d’intégration des questions du logement social à la problématique du développement de communautés durables
Ces deux modes de régulation du logement social en cours de réforme repose sur deux logiques différentes : dans le cas de l’Angleterre, il consiste à renforcer le rôle de l’instance de régulation en tant qu’externalisation de l’autorité publique compétente et de renforcement de la cohérence de la régulation avec les priorités de l’autorité publique dans un contexte de forte mobilisation budgétaire. Dans le cas des Pays-bas, il consiste à mettre en place une autorégulation professionnelle et à autonomiser la définition des missions d’intérêt général dans un contexte d’autonomie financière, de suppression des aides publiques et d’émancipation des entreprises sociales.
Ces deux modes de régulation se rejoignent cependant autour de la nécessité de globaliser la mission d’intérêt général du logement social et de l’inscrire dans un objectif d’intérêt général plus intégré en terme de développement de communautés et de quartiers durables. En d’autres termes, de repenser le logement social en tant que pilier d’un développement durable des communautés, des quartiers et des villes européennes, et non pas seulement en tant produit sur un marché.