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Situation dans les Etats-membres
En Allemagne, coexistent deux systèmes différents. Le premier est composé d’une bonification de taux d’intérêt accordé par les Régions par l’intermédiaire de banques publiques régionales. Un prêt sans intérêt peut être accordé à des entreprises de logement social et à tout investisseur personne morale ou physique pour la construction de logements locatifs sociaux dont le niveau des loyers et les conditions d’attribution font l’objet d’un conventionnement temporaire au moins égal à la période de remboursement du prêt c’est-à-dire 30 ans en moyenne. Cette aide directe à l’investissement est complétée par une aide directe à l’occupation permettant de réduire le prix d’équilibre facturé aux ménages en fonction de leur niveau de revenus et de la taille de la famille. L’aide directe à l’investissement est ainsi complétée par un régime d’allocation de logement (Wohngeld).
Le second système est construit sur la base d’une subvention d’exploitation accordée par la Région pendant la durée du conventionnement. Le financement de l’investissement s’effectue après décision administrative favorable, par emprunt de l’investisseur sur le marché et aux taux du marché. La subvention permet de passer d’un niveau de loyer d’équilibre déterminé en fonction des coûts à un niveau de "loyer social". La modulation de ce loyer social en fonction du niveau de revenus des ménages s’opère ensuite par l’intermédiaire du régime de l’allocation de logement. La lisibilité de la stratégie de financement adoptée reste cependant brouillée par la grande diversité des systèmes d’aide et de financement du logement social existant jusqu’à une période récente au niveau Fédéral (4 régimes d’aide) et leurs modalités d’application personnalisées au niveau des Länder qui en raison de leur suppression au niveau fédéral, sont désormais pleinement compétents en matière de financement du logement social.
Le système est entré dans une période de transition entre un système traditionnel de financement basé sur les prêts à taux zéro accordés par les caisses publiques de financement des Länder et des systèmes plus récents reposant sur des primes à l’investissement et des financements banalisés. L’intérêt du système allemand résidait dans la complémentarité des différents systèmes de financement existants. Par exemple, dans le 1er régime d’aide, le prêt bonifié ne couvrait que 50% du coût de l’opération et un apport en fonds propres de l’investisseur à hauteur de 25% était exigé. L’investisseur était ainsi contraint de boucler son plan de financement à hauteur de 25% par un prêt banalisé qu’il obtenait soit auprès des banques hypothécaires classiques, soit d’autres opérateurs bancaires moins spécialisés. La tendance est cependant à la remise de ce type de financement. Les évolutions observées semblent privilégier le système d’aide en fonction des revenus qui réduit l’aide à l’investissement à une prime, supprime le prêt bonifié et introduit une aide à la personne complémentaire au système existant. Ainsi, l’Allemagne semble généraliser le principe de financement de l’investissement locatif social par le marché financier, qui en raison de la forte structuration des banques hypothécaires, dispose également de ressources relativement longues.
En Belgique, l’essentiel du patrimoine locatif social fut constitué au moyen du financement octroyé par l’ex Société Nationale du Logement (SNL), aujourd’hui régionalisée, sous la forme d’avances remboursables réservées à des sociétés immobilières de service publique agréées. Ces avances étaient constituées d’un prêt accordé pour une durée de 66 ans à un taux fixe de 2,5%. La SNL émettait en contrepartie des emprunts sur le marché garantis par l’Etat et les Régions. L’Etat prend en charge le différentiel de taux entre les emprunts émis et le taux des avances. Cette aide à l’investissement est complétée par une aide indirecte à l’occupation. Elle prenait la forme d’une modulation d’un loyer de base selon un coefficient fixé en fonction du niveau de revenus des ménages et de leur taille. Les 253.000 logements en gestion représentaient 18% du parc locatif et 5% du parc total. La régionalisation du logement social a conduit à transférer les compétences de la société nationale du logement aux sociétés régionales du logement qui assurent aujourd’hui le financement du logement social et l’émission des emprunts nécessaires voire la mobilisation des prêts globaux de la Banque européenne d’investissement, notamment en région wallonne.
Au Danemark, la construction de logements locatifs sociaux est financée sur la base d’un prêt indexé d’une durée de 35 ans couvrant 85% du coût de l’opération. Le taux d’intérêt est fixe mais le capital est indexé sur l’indice des prix à la consommation. Les prêts indexés sont adossés à l’émission d’obligations hypothécaires indexées défiscalisées émises par des Instituts de crédit foncier. L’aide directe de l’Etat prend la forme d’une bonification intégrale du taux de l’intérêt, d’une prime à l’investissement couvrant 13% du coût de l’opération et de l’obligation qui est faite aux locataires, de régler une caution locative équivalent à 2% du coût du logement occupé. Ces aides à l’investissement, définissant un loyer d’équilibre, sont complétées par un régime d’aide à l’occupation sous la forme d’une allocation de logement versée aux ménages locataires en fonction de leur niveau de revenus et de leur taille.
En Espagne, les aides indirectes sont très représentées. L’investissement-logement est financé sur la base d’un prêt conventionné (prêts qualifié) d’une durée de 20 ans accordé par les Caisses d’Epargne ou par la Banque hypothécaire d’Espagne, dont le taux de base est fixé par les pouvoirs publics, taux légèrement inférieur au coût moyen de la ressource. A cette aide de circuit s’ajoute une bonification de taux d’intérêt. Le loyer est modulé selon le niveau de revenu du ménage occupant.
En Irlande, l’investissement-logement à usage locatif social ouvre droit à une dotation en capital de l’Etat équivalente à 80% du coût de l’opération. Cette aide à l’investissement s’accompagne d’une subvention d’exploitation versée à l’entreprise de logement (Collectivités locales ou Housing Association), de façon à couvrir les frais de gestion. Le loyer est modulé en fonction du niveau de revenus des ménages occupants. Les familles à revenus très modestes sont éligibles à une allocation de logement supplémentaire.
Au Luxembourg, Le financement de l’investissement repose sur un prêt d’Etat sans intérêt accordé à hauteur de 40% du coût de l’opération et d’une dotation complémentaire de l’Etat à hauteur de 60% accordé à un établissement public central. Le loyer est modulé selon le niveau de revenus des ménages.
Au Portugal, l’investissement-logement à usage locatif social assuré par les collectivités locales bénéficie d’une prime à l’investissement équivalente à 50% du coût de l’opération et d’un prêt à taux bonifiés d’une durée de 25 ans. Les loyers sont directement modulés selon le niveau de revenus des ménages.
Au Royaume-Uni, la production de nouveaux logements sociaux est le fait des Housing Associations, les Collectivités locales ayant été contraintes de limiter leur rôle dans le secteur social suite aux orientations définies en 1979, 1988 et 1989 par le gouvernement central. Les housing associations bénéficient d’une prime à l’investissement équivalente à 50% du coût de l’opération, le solde étant couvert par un emprunt sur le marché. Le loyer est fixé par l’organisme en fonction des coûts et une allocation de logement (Housing Benefit) est accordée aux ménages afin de réduire le niveau du loyer en fonction de leurs revenus.
La stratégie des Housing Associations sous l’impulsion des pouvoirs publics, a été celle de la banalisation du financement du logement social et de l’accès individualisé au marché financier par les opérateurs. L’atomisation du financement du logement social a été à la base de cette stratégie. Chaque Housing Association définit sa propre stratégie de financement et négocie directement avec les Banques, les conditions de financement de ces programmes en fonction de ses caractéristiques propres (localisation, santé financière, garantie...). Cette atomisation remet en question le principe d’égalité de traitement des opérateurs propre au financement public du logement social. Le dynamisme de l’ingénierie financière anglo-saxonne couplée à l’intérêt qu’ont manifesté les banques vis-à-vis de ce nouveau créneau dans un contexte historique de crash immobilier en secteur libre, a permis de relever le défi de la banalisation du financement du logement social en Angleterre. La gamme de prêts offerts, les techniques de refinancement et les modalités d’accès au marché sont si diversifiées qu’il est aujourd’hui difficile de les caractériser en quelques lignes. Le logement social est devenu un créneau stratégique pour les banques, au même titre que le financement de l’accession à la propriété. Mais cette banalisation n’aurait pu s’opérer sans une intervention lourde de l’Etat dans la sécurisation du système. Quand on cumule l’aide publique à l’investissement (Housing Association Grant équivalent à 57% du coût de l’opération) et l’aide à la personne (80% des entrants dans le parc des Housing Associations bénéficient du Housing Benefit prenant en charge la quasi totalité du loyer), on mesure toute la limite du développement durable du système anglais et sa fragilité vis à vis des contraintes budgétaires. Les perspectives inéluctables de réforme du Housing Benefit en raison de l’explosion des dépenses risquent bien de remettre en cause ce mode de financement atomisé dont la continuité est fragilisée par une forte réduction des primes au logement social. On voit par ailleurs se reconstituer des formes collectives d’accès au marché financier par les Housing Associations (prêts syndiqués) et la montée en puissance des agences d’intermédiation comme la National Housing Finance Corporation, Caisse de prêts montée par la National Housing Federation.
Aux Pays-Bas, la stratégie des entreprises de logement social appelées corporations de logement a été toute autre. Les corporations ont été à l’origine de la banalisation du financement du logement social. La suppression du financement public du logement social en 1989 est la conséquence de l’opération de renégociation systématique des prêts publics par les corporations, de leur remboursement anticipé et du refinancement sur le marché à des conditions plus avantageuses dans un contexte de baisse des taux. Cette opération a été à l’origine d’une réforme structurelle du secteur du logement social et d’un processus d’autonomisation vis-à-vis de l’Etat. Contrairement aux Housing Associations anglaises, les corporations de logement n’ont pu s’appuyer sur un système d’aides directes, les aides générales à l’investissement ayant été supprimées avec les prêts bonifiés. Leur autonomie vis-à-vis de l’Etat a été consolidée par le renforcement de l’unité professionnelle du secteur (déontologie, programme commun d’investissement) et l’organisation d’une solidarité financière entre les corporations et d’un mécanisme sectoriel de garantie par la création d’un fonds mutuel de garantie du logement social (WSW), d’un fonds mutuel de solidarité (CFV) et d’un système organisé de financement collégial permettant aux corporations en bonne santé financière, de financer la restructuration des corporations en difficulté. Ici aussi, le marché financier à jouer le jeu et la diversité des produits de financement offerts témoigne de l’intérêt des opérateurs à financer le logement social. L’intérêt de l’exemple hollandais réside dans le fait que la sécurisation du système n’a pas été fondée sur une aide directe et massive de l’Etat comme en Angleterre, mais sur un système de garantie mutuelle et professionnelle, lui-même contre garanti par l’Etat en second rang. Il convient cependant de relativiser l’intérêt du système hollandais par la taille et la solidité financière des corporations (34% du parc total de logements, fonds propres importants, valorisation patrimoniale par la vente sélective des logements locatifs sociaux aux occupants) et la structuration du marché financier hollandais, notamment la forte présence des fonds de pension disposant de ressources longues.
En tout état de cause, cette banalisation du financement du logement induit une restructuration du secteur professionnel et des entreprises de logement social. Concentration des opérateurs par fusion des entreprises, autonomisation vis-à-vis de la tutelle de l’autorité publique compétente, gestion des risques de taux, mutualisation des risques par emprunts syndiqués ou constitution de fonds professionnels de solidarité comme aux Pays-Bas (CFV), le processus engagé par les corporations de logement hollandaises et les housing associations anglaises est à ce sujet tout à fait représentatif des mutations en cours.
Il permet notamment de constater que la banalisation du financement du logement social n’implique pas nécessairement banalisation des entreprises de logement social, mais qu’au contraire, une organisation professionnelle renouvelée assurant une autorégulation professionnelle, une cohésion des entreprises de logement social et une mutualisation des risques peut être un gage de réussite face à la remise en cause du principe d’égalité de traitement des entreprises de logement sociale dans le financement des investissement propre aux systèmes publics de financement, et à la logique de personnalisation des conditions de financement des entreprises de logement social en fonction des risques réels qu’elles présentent et des pratiques de scoring des établissements bancaires.
Cette bancarisation du financement du logement social conduit donc à considérer les coûts liés à l’endettement comme un donnée exogène et personnalisée, au même titre que les coûts liés au foncier, prix en compte dans le calcul du loyer de sortie et compensée par des aides d’Etat, sous la forme d’aides directe à l’investissement, d’aides indirectes sous la forme de garantie publique, en fonction de la politique tarifaire imposée à l’entreprise de logement social.
Evolution des systèmes de financement du logement social
Ces exemples représentatifs illustrent parfaitement le processus engagé de banalisation du financement du logement social et la diversité des stratégies mises en œuvre par les autorités publiques des Etats-membres et les entreprises de logement social.
L’enseignement principal que l’on peut en tirer est que cette bancarisation du financement du logement social peut être le fait d’une politique volontaire des autorités publiques compétentes comme au Royaume-Uni ou en Allemagne mais également des entreprises de logement social à l’exemple des Pays-Bas. Dans les deux cas, elle s’est accompagnée de mesures de sécurisation et de garantie des entreprises de logement social, au Royaume-Uni par un système d’aide personnelle au logement garantissant de fait le paiement intégral des loyers, aux Pays-Bas par une autorégulation du secteur par la profession, la consolidation des fonds de garantie et de solidarité entre entreprises de logement social, la mobilisation croissante des fonds propres et la valorisation patrimoniale propre à un Etat-membre disposant d’un taux de logements sociaux les plus élevés de l’Union européenne..
Paradoxalement, cette banalisation du financement du logement social ne signifie pas, loin s’en faut, un désengagement de l’Etat. C’est précisément sur le volet sécurisation que l’Etat doit intervenir, directement et massivement comme au Royaume-Uni où le prix à payer du « Private finance initiative » est la prime à l’investissement couvrant 50% de l’investissement et une quasi garantie de paiement des loyers par le « Housing Benefit », ou sous des formes plus adaptées aux contraintes budgétaires à l’exemple de la garantie publique de second rang accordée au fond de garantie du logement social hollandais (WSW).